Université de tous les savoirs. 16 septembre 2000:
Je dois effectivement vous parler de ce thème : propriété
intellectuelle et nouvelles technologies. Avec ce qui m'est apparu un
sous-titre opportun : A la recherche d'un nouveau paradigme. Et vous
verrez pourquoi.
Propriété intellectuelle et nouvelles technologies :
si j'adoptais le style du canard enchaîné, je dirais que
c'est de l'ordre des apparentements terribles parce que ces nouvelles
technologies (...) sont celles de l'information et de la communication,
autrement dit, peut-être de manière plus médiatique,
de l'informatique et de l'Internet, c'est à dire deux univers
qui en quelques décennies ont bousculé notre appréhension
technicienne du monde d'abord, notre vie quotidienne ensuite, nos schémas
de pensée enfin, au point qu'il est convenu de parler de société
post-industrielle, ou de société de l'information, peut-être
d'ailleurs sans toujours l'esprit critique souhaitable.
Cette information est donc le sous-bassement de ces techniques que
le droit va être amené à appréhender. Je
dois faire une observation, c'est que cette information est présente
dans d'autres créations, dans d'autres domaines, et avec un même
effet déstabilisant pour les droits de propriété
intellectuelle. Je vous donne un seul exemple : la question de la brevetabilité
des séquences génétiques, qui sont bien une séquence
d'information et qui posent (...) de redoutables problèmes. Pour
rester néanmoins sur le thème général qui
a été rappelé il y a quelques instants : technologies
de l'information et de la communication, stricto-sensu, je me bornerai
à cet aspect des choses, essayant d'examiner avec vous comment
se traduit cette confrontation entre ces technologies et les propriétés
intellectuelles. Car il faut le préciser, il y a toute sorte
de propriétés intellectuelles : celles que vous connaissez
bien même si vous n'êtes pas des spécialistes comme
le droit des brevets et le droit d'auteur, mais aussi des propriétés
plus inattendues : le droit sur les obtentions végétales,
sur les topographies de semi-conducteur, je ne vais pas m'amuser à
une analyse systématique qui serait sans intérêt,
j'essaierai de voir là où il y a véritablement
une confrontation qui appelle une remise en cause, une réflexion
originale. Voilà pourquoi je dirai un mot de la marque et du
brevet, mais je m'arrêterai véritablement au droit d'auteur,
et à ce que l'on peut appeler les droits apparentés, car
ce sont ces droits là qui sont véritablement au c�ur d'une
réflexion novatrice.
Les marques.
Les marques ont fait beaucoup parlé d'elles dans leur confrontation
avec ces noms de domaine qui sont (...) un élément clef
de la navigation sur l'Internet, puisque c'est à travers les
noms de domaine que l'on pourra retrouver un site, une adresse, un lieu
virtuel. Et la question se pose au juriste de savoir quelle place assigner
à la marque, quelle place assigner au nom de domaine, (...) si
ce nom de domaine doit être considéré comme une
simple adresse, où s'il faut y voir un véritable identifiant
à valeur juridique, comme la marque l'est déjà,
mais comme le sont aussi par exemple le nom commercial ou l'enseigne.
A dire vrai, nous en sommes aux premières réflexions.
Je me bornerai simplement à observer que la fonction du droit
est souvent de gérer la rareté et que l'on peut se demander
si, ici, le droit d'une certaine manière, ne fabrique pas, avec
l'aide des techniciens, la rareté. Je renvoie à cet article
assez provocant mais très intéressant de Laurent Chemla,
"confession d'un voleur", paru dans le monde au mois d'avril de cette
année-ci. (http://www.chemla.org/textes/voleur.html)
Avec le brevet.
Avec le brevet, c'est plus directement une question d'adaptation d'un
droit, qui avait été pensé au XVIIIème pour
la mécanique, que nous nous voyons confronté. En effet
le brevet est un droit qui est apparu, pour l'essentiel, cela dépend
évidemment des pays, au XVIIIème, avec en arrière
plan l'idée de la machine animée de rouage, comme l'horloge
servant à Voltaire à fonder son grand horloger. Et voici
que soudainement, l'information, avec le logiciel, devient l'âme
de la technique, alors que, selon le sens commun, information et technique
sont deux choses différentes. Et comme le sens commun fait des
ravages même au sein de l'office européen des brevets à
Munich, on s'aperçoit que l'essentiel n'est pas tellement de
savoir ce que l'on présente comme dossier, mais de savoir quels
mots utiliser. Surtout ne pas utiliser le terme information, puisque
le nominalisme triomphe. Pourtant il y a peu de mots plus polysémiques
que le mot information. Et je crois qu'ont raison ceux qui disent qu'aujourd'hui
la machine peut être virtuelle, et que l'on peut très bien
par le détour des bits, obtenir ce qui naguère passait
par des roulements à bille ou des roues dentées. Il est
vrai que si la convention, dite sur le brevet européen de Munich
de 1973, interdit la prise de brevet sur des programmes d'ordinateur,
dans la mesure où l'office européen vit de la délivrance
des brevets, cela n'interdit pas que de tels titres soient délivrés
dans un grand bricolage, que la doctrine (les juristes) viendra plus
ou moins doter de rationalité. Il est vrai aussi que sous une
forte pression américaine, la question n'est peut-être
plus déjà de savoir si un logiciel ou un moteur de recherche
est brevetable, car sous cette pression, nous assistons à un
changement de standard en matière de brevet, qui est de moins
en moins un droit conçu pour l'industriel, mais dont on voudrait
nous faire admettre qu'il est conçu pour toute création
utile. Je vous laisse imaginer ce que cela peut recouvrir, dès
l'instant où la référence à l'utilité,
est la plus vague référence que l'on puisse imaginer.
mais je sortirais du sujet, si je m'étendais là dessus.
Alors impérialisme pour impérialisme, c'est vers le droit
d'auteur, et ce que j'ai appelé les droits apparentés,
c'est à dire les droits dits voisins, je m'expliquerai la dessus
tout à l'heure, mais aussi toute sorte de droits dans la mouvance
du droit d'auteur, que je vais véritablement m'arrêter.
C'est là en effet comme je le disais tout à l'heure que
la confrontation conduit aux remises en cause les plus radicales, et
donc les plus intéressantes aussi. Car le droit d'auteur, à
la charnière de ces deux millénaires, est bien éloigné
de celui dont Beaumarchais puis Hugo s'étaient fait les promoteurs.
Qu'il s'agisse du droit d'auteur proprement dit, c'est à dire
de celui que connaissent les pays de l'Europe continentale, l'Amérique
latine, bien des pays arabes, les pays de l'Afrique noir, ou du copyright
anglo-saxon, qui n'est ni tout à fait semblable, ni tout à
fait un autre, la brèche est apparue avec l'idée que le
droit d'auteur ou le copyright appréhendait des formes - des
formes littéraires, musicales, plastiques, comme vous voudrez
sans doute, mais des formes -, or tout est forme. Il n'y a pas de produit
de l'esprit humain qui soit informe. Mais à ce compte là,
vous le pressentez, le droit d'auteur est partout et il l'est d'autant
plus, que selon le mot que j'affectionne, l'immatériel qui est
le produit de l'esprit est partout.
Dès lors technologie de l'information et de la communication,
immatériel, information, droit d'auteur : voilà qui vient
se conjuguer en un mélange étonnant et détonnant,
et obliger à de sévères révisions. Ce sont
des créations nouvelles qui surgissent : logiciels, bases de
données, multimédia. De vieilles créations sont
revisitées, comme diraient les anglo-saxons, musique ou images
numérisées par exemple. De nouveaux instruments sont disponibles
: synthétiseur - qui est un vieux nouvel instrument - ou logiciel
de création assistée. De nouveaux modes de création
se font jour : sampling ou animation 3D, pour ne citer que ceux-là.
Le vieux droit est-il donc ou caduc ? Certains l'affirment, et il est
certain que l'on est toujours un meilleur gourou quand on prophétise
l'apocalypse, et c'est pourquoi on peut lire sous la plume de John Perry
Barlow, fondateur de l'Electronic Frontier Foundation, "Everything you
alway knews about intellectual property is wrong" - " tout ce que vous
avez jamais su sur la propriété intellectuelle est désormais
faux ". Peut-être. Mais il y a à l'opposé les tenants
d'un droit marmoréen pour qui les nouvelles technologies ne sont
que péripéties, et qui reste et doit rester, à
moins que ce soit l'inverse, doit rester et reste, intact à travers
vent et marrées, coups de boutoir logiciel, et bourrasques des
réseaux.
Comme souvent, la réalité se trouve entre les deux extrêmes.
Avec le surgissement des biens informationnels dans le champ du droit,
c'est à une autre perception du droit d'auteur que nous sommes
invités. Ce sera le premier point auquel je m'arrêterai.
Le triomphe de la logique marchande, deuxième point, va alors
de paire avec ce que l'on pourrait appeler le spectre de la mondialisation,
troisième point. On ne s'étonnera pas alors que surgissent
des antagonismes forts. Ce sera mon quatrième point. Et si l'on
ne veut pas se satisfaire de certaines considérations de simple
cuisine, même juridique, il faudra peut-être alors se demander
s'il ne faut pas se tourner vers d'autres paradigmes. Ce sera là,
mon cinquième et dernier point.
1 - La montée en force de l'information comme
valeur.
C'est bien là le premier point qu'il faut observer. Avec le
passage de ces oeuvres que sont le poème ou la statue à
ces nouvelles créations que sont logiciels, bases de données,
multimédia, - que j'ai déjà évoqué
- mais aussi pages web ou liens hypertextes, ce n'est pas à un
simple élargissement du champ de la matière que nous avons
assisté. L'objet de droit, tel que saisi désormais par
le droit d'auteur et ses droits apparentés a acquis en effet
une profonde ambiguïté.
On a commencé à parler de "biens informationnels" avec
les logiciels, il est couramment question aujourd'hui d' "oeuvres informationnelles".
Et pourtant les puristes du droit d'auteur vous rappelleront, avec raison,
que si le droit d'auteur ne se limite pas aux beaux-arts, il saisi,
et il ne saisi que, la forme d'une oeuvre et rien d'autre, la mise en
forme et point le contenu, point le message si message il y a, point
l' "information". Hélène peut fuir cent fois avec Pâris,
voilà qui est du domaine public, en tout cas pour qui n'a pas
oublié ses classiques, mais c'est aux seuls Giraudoux qu'appartient
cet "or gris" de la paix qui s'enfuit irrémédiablement.
Quant à la théorie de la relativité, elle n'est
pas comme tel protégeable, mais le petit opuscule du même
nom publié par Einstein est protégé pr le droit
d'auteur.
Mais quand l'objet appréhendé par le droit n'est qu'un
"ensemble informationnel", comme l'est par exemple une base de données,
il est bien difficile de faire admettre que le droit se désintéresse
de l'information. L'observation vaut à l'évidence aussi
pour le logiciel, logiciel qui est de l'information traitée qui
traite de l'information. Et cette confusion explique, selon moi, pour
une part - je ne suis pas naïf : pour une part seulement - les
incompréhensions qui existent entre éditeurs de presse
et journalistes quant au fait de savoir, si les premiers disposent du
droit de mettre en ligne pour une édition électronique
du journal les articles des seconds (...) Mais il faut observer que
sous forme papier ou sous forme électronique, un journal reste
pour l'essentiel la même source d'information. En revanche si
vous le considérez dans sa présentation, dans sa mise
en page, dans sa conception, linéaire en un cas quand il s'agit
de papier, hypertextuelle dans l'autre, quand il s'agit d'électronique,
quand vous considérez donc la forme, ce sont bien de deux oeuvres
distinctes qu'il s'agit. L'éditeur soulignera qu'il n'y a qu'une
information, l'auteur fera valoir qu'il y a deux oeuvres.
Ce surgissement de l'information comme valeur propre à prendre
en compte, a suscité ainsi de nouveaux aménagement des
droits existants, voire de nouveaux droits. C'est, exemple de la première
figure, la reconnaissance à propos des logiciels, d'un droit
de décompilation. C'est un terme un peu barbare. Cette décompilation
permet à certaines conditions, et dans le but précis d'assurer
l'interopérabilité entre programmes, d'accéder
au code source d'un logiciel protégé. Et que diable cela
pourrait-il signifier si nous considérions des oeuvres comme
celle de Faulkner ou Thomas Mann. Rapprochement incongrue me dirait
vous, mais si je me le suis permis, c'est que tout simplement aux États-Unis
comme en Europe, le droit nous dit que les logiciels sont des oeuvres
littéraires. Exemple de nouveau droit, ce droit suis-generis,
spécifique sur les bases de données, instauré depuis
quelques années, aux profits des producteurs de bases de données,
et que je ne fais ici qu'évoquer puisque je reviendrai dessus
dans quelques instants.
Mais surtout le surgissement de l'information comme valeur propre est
source de nouvelles approches. On peut fabriquer la côte d'un
peintre - nous le savons tous. tout ceux qui s'intéresse au marché
de l'art depuis quelques décennies savent que ce n'est pas une
hypothèse d'école. Avec le cinéma (qui est d'ailleurs
de plus en plus numérique aujourd'hui) nous sommes dans une logique
d'industrie culturelle - l'expression est assez parlante. Mais avec
l'information comme valeur, on est de plein pied dans une logique de
marché. Et il est évident qu'un droit pensé dans
la contemplation du marché, ne peut pas être le même
droit qu'un droit conçu pour des oeuvres qui peuvent éventuellement,
pour le meilleur et pour le pire, être précipitées
dans le marché.
2 - C'est au triomphe de la logique marchande que
nous assistons, second point que je veux développer.
A dire vrai, et quoique les français n'aiment pas trop s'appesantir
sur cet aspect des choses sans doute jugé trop trivial, cette
logique n'a jamais été absente du droit d'auteur. Lorsque
Beaumarchais revendiquait un droit d'auteur, c'était dans l'idée
de pouvoir vivre de sa plume. Et voici quelques années l'un de
nos plus grands réalisateurs de télévision, de
la grande télévision des années 60, disait lors
d'un débat que j'animais au Centre Pompidou dans une manière
plus simple, plus brutal, que l'ambition première des réalisateurs
était très simple : qu'ils espéraient pouvoir manger.
Alors chose peut-être un peu trivial, cette logique a toujours
été présente, mais cette logique aujourd'hui devient
dominante. Et elle devient dominante au sein même du droit d'auteur
et de ses droits apparentés, pour qui la dimension économique
n'était pas la dimension première, à la différence
du brevet ou de la marque, qui ont toujours été des droits
marchands.
Cette logique marchande devient un élément de justification
pour une protection étendue à ceci ou à cela. Il
y a investissement, dit-on, il doit y avoir protection. On a entendu
l'argument il y a quelques années pour les bases de donnée.
Il est tout à fait intéressant de relever que ceux qui
avançaient la thèse, à l'époque, le faisaient
avec les arguments de ceux qui aux XVIIIème plaidaient pour les
libraires - je vous rappelle que dans le langage du XVIIIème,
les libraires sont les éditeurs - en un temps où ces libraires
essayaient d'obtenir des droits en lieu et place des auteurs. Le savaient-ils,
ne le savaient-ils pas, la convergence est en tout cas intéressante.
Car il faut encore noter que cette logique marchande triomphante sert
aussi de plus en plus d'élément de référence.
Il faut savoir que le droit d'auteur - mais le droit d'auteur stricto-sensu,
par opposition au copyright est fondamentalement un droit des auteurs.
Mais la logique à laquelle nous sommes aujourd'hui confronté
est d'abord une logique de l'investissement, qui par le fait même
conduit souvent à se désintéresser de la création,
et ne considère plus en tout cas fondamentalement la création
dans son lien avec l'auteur.
La condition traditionnellement posée dans notre droit, pour
qu'une oeuvre soit protégée, est une condition d'originalité.
Pour faire simple, j'ai l'habitude de dire que lorsque Flaubert dit
"Madame Bovary, c'est moi", il exprime au fond la philosophie du droit
d'auteur : Madame Bovary, l'ouvrage est protégé parce
que c'est Flaubert. Nous sommes très loin de cela aujourd'hui,
et que d'abord avec les logiciels, ensuite avec les bases de données,
on s'est satisfait - ce n'est pas d'ailleurs forcément critiquable
- de la présence d'un apport intellectuel dans la création.
Mais alors, sauf à imaginer un créateur complètement
dépourvu de créativité - hypothèse intéressante
-, on comprend bien que toute forme de création, toute forme
d'oeuvre puisque c'est le mot convenu, peuvent accéder à
la protection, y compris les plus plates qui soient. Il faut quand même
beaucoup de complaisance pour considérer comme une oeuvre une
compilation, ou bien la plus banal des pages d'accueil web.
Pourtant il y a dans les deux cas un investissement fort s'agissant
évidemment de la première hypothèse, variable dans
le second, mais un investissement. Il ne faut pas s'étonner donc
de voir l'investisseur objet d'une sollicitude, qui va dans le même
temps beaucoup moins aux auteurs. Deux exemples seulement, je disais
il y a un instant que dans notre tradition, le droit d'auteur est véritablement
le droit des auteur. Avec une règle qui demeure dans notre code,
qui est que lorsque l'auteur est un salarié, c'est encore à
lui, bien que salarié, que les droits reviennent. Mais cette
règle n'est plus vrai s'agissant de logiciel, et on voit aujourd'hui
avec toute l'interrogation sur la mise en ligne de création multimédia.
La question est posée de savoir s'il ne faudrait pas revenir
sur cette règle.
Réflexion aussi sur la force à reconnaître au droit
moral de l'auteur, dont un des aspect est le droit du respect du à
l'oeuvre. Dès l'instant en effet où la pratique des réseaux,
l'hypertextualité, l'interactivité obligent, en raison,
à admettre une certaine mobilité de l'oeuvre, il est difficile
d'opposer à cela, je ne sais quelle vision de l'oeuvre intangible.
Si je dis en raison c'est que je crois que cette évolution est
raisonnable. Il ne faut pas être dupe : si cette mobilité
est de la substance, par exemple, du cyber-art, il est clair que ce
sont les investisseurs qui demandent à pouvoir disposer aussi
librement que possible des oeuvres qu'ils vont mettre en ligne. Et je
vous rappelle qu'une page web est potentiellement à la fois une
oeuvre, et un complexe d'oeuvres - des graphismes à la musique
- nous sommes bien dans un mouvement marchand.
J'ajouterai que ce triomphe de la logique marchande se traduit encore
par une étonnante expansion de la propriété intellectuelle
au delà de ses terres traditionnelles. Certains droits, comme
le droit sui-generis offert aux producteurs de bases de données
(...), n'ont d'ailleurs d'autre but affiché que d'assurer la
défense d'un investissement. Je vous lirai un article (...),
l'article L431 de notre Code de la Propriété Intellectuelle,
directement issu d'une directive européenne de 1996 : Il est
limpide, il n'appelle guère commentaire, du moins quand à
son esprit - je ne parle pas des difficultés pratiques.
" Le producteur d'une base de donnée, entendu comme la personne
qui prend l'initiative et le risque des investissements correspondants,
bénéficie d'une protection du contenu de la base, lorsque
la constitution, la vérification, ou la présentation,
de celui-ci, atteste d'un investissement financier, matériel,
ou humain substantiel. " Il est vrai que cette dernière construction
que je viens d'évoquer est européenne. Mais en réalité,
c'est la planète tout entière qui est saisi par la frénésie
marchande. Il faut nous tourner vers la mondialisation qui frappe ici
aussi.
3 - Spectre de la mondialisation, les nouvelles technologies
sont partout nouvelles, et suscitent les mêmes défis.
Il n'est donc pas étonnant qu'en dépit de traditions
juridiques différentes, très souvent nous ayons des réponses
convergentes. Le droit d'auteur français, le copyright américain,
le copyright canadien, le droit d'auteur allemand, ne donnent pas des
réponses bien différentes s'agissant par exemple de la
protection du logiciel. Parfois il est vrai aussi que l'on a vu une
sorte de diktat imposer la règle universelle. Il faut savoir
qu'en 1984, les États-Unis ont décidé de protéger
les chips, les puces. Ils ont alors adopté une loi proprement
américaine, enjoignant aux autres pays de la planète s'ils
voulaient voir leur ressortissant protégés chez eux, d'adopter
non seulement des règles protectrices, mais des règles
conçus sur le modèle américain. Le congrès
se réservant le droit de donner sa bénédiction
ou non à la loi allemande, française, ou japonaise qui
serait pris sur ces bases. c'est quand même quelque chose de mon
point de vue d'assez extravagant.
Les accords de Marrakech de décembre 1993, derniers accords
du GATT et prolégomènes de ce qu'allait devenir l'Organisation
Mondial du Commerce, significativement dénommé d'ailleurs
: accord relatif aux aspects des droits de propriété intellectuel
qui touche au commerce. Et d'ailleurs tous touchent au commerce. Ces
accord procède, pour une bonne part, de la même démarche.
Les États-Unis en furent les initiateurs - ils y distillèrent
leur philosophie, et je n'ai pas le temps ici de donner des illustrations
concrète, mais c'est facile à faire - obligeant de facto
la planète à se plier à la loi de la propriété
intellectuelle. Alors qu'à mon avis sa pertinence pour tout les
pays du globe aurait au moins mérité une interrogation.
Et leur option comme celle dont je parlais tout à l'heure consistant
à déclarer le programme d'ordinateur oeuvre littéraire
sont devenus les options quasi universels.
Mais s'agissant de mondialisation, le plus remarquable est encore certainement
dans le bouleversement radical qu'emportent les réseaux et l'Internet
: la circulation des oeuvres, de l'information, des oeuvres informationnelles
y est ici sans frontières, alors que les législations
restent nationales. Quand la numérisation fait que la copie peut
se faire sans difficultés, cette même numérisation
permet ici une dissémination totale qui prive de beaucoup de
pertinence, l'opposition traditionnellement faite entre le droit de
reproduction "fixation sur un support" et le droit de représentation
"communication au public" : tout est communication, tout est partout
communication. Et cela oblige, et a déjà obligé
d'ailleurs à revoir les notions reçus, et c'est ainsi
que l'Organisation Mondiale de la propriété intellectuelle,
dans un traité de décembre 1996, a été conduite
à redéfinir ce droit de communication qui appartient à
l'auteur, afin de répondre aux spécificité de l'Internet.
Mais plus radicalement, cela signifie que le droit d'auteur traditionnel
se révèle malhabile à saisir la réalité
du net, et surtout à le faire avec légitimité,
et cela doublement. D'abord par rapport à une certaine philosophie
libertaire du savoir, fortement relié à l'internet des
origines, l'internet d'avant l'internet. Ensuite par rapport au fait
que rien ne justifie que la vérité s'exprime plus à
Paris qu'à Ottawa, ou à Tokyo. Sans doute il ne faut pas
non plus exagérer la difficulté : c'est médiatique,
ce n'est pas toujours exact. Quand une contrefaçon d'oeuvres
françaises est faite, est réalisée en France, par
un français, qui numérise indûment une oeuvre, et
la met sur les réseaux, il n'y a aucun problème juridique
majeur : c'est une contrefaçon sanctionnable et facilement sanctionnable
. Nous en avons des exemples, on pourrait songer à des affaires
concernant par exemple des poèmes de Queneau. Peut importe qu'il
s'agisse de réseaux.
Mais quand agissements et oeuvres, se perdent dans cet univers qu'on
dit virtuel, les choses sont moins simples. Songez à ces autres
questions, à la difficulté quand même analogue,
qui se sont présentées, quand - j'évoque évidemment
ces sites sur lesquels on pouvait trouver des objets nazis - un juge
français a tout simplement prétendu ou prétend
- puisque c'est d'actualité - faire respecter la loi française.
Je veux dire que là, il y a une difficulté majeur. Mais
il ne faut pas être faussement naïf - dans l'attente peut-être
pour le troisième ou quatrième millénaire, de la
loi universelle qui régirait tout, pour le bien de tous, dans
le meilleur des mondes, évidemment possible. Si une loi a vocation
à s'imposer, il faut bien avoir conscience que c'est la loi américaine,
puisque mondialisation rime avec américanisation. Quand d'ailleurs
le copyright est célébré pour son réalisme,
il ne faut pas y voir autre chose. Un des traits majeur du copyright,
par rapport au droit d'auteur, est de protéger l'investissement.
Il est bien dans cette logique marchande que j'évoquais tout
à l'heure, cette logique qui n'est autre aussi que celle de la
mondialisation.
4 - On ne s'étonnera donc pas d'une exacerbation
des antagonismes, mon quatrième point.
La propriété intellectuelle bouleversé par les
nouvelles technologies est effectivement le lieu de tout les antagonismes.
Autrement penser que naguère, elle est omniprésente. Il
est difficile de ne pas s'y heurter. Nous assistons à une véritable
explosion des péages, des droits de passage, à travers
les créations juridiques les plus variées. Une multiplication
en quelque sorte des bastilles, des bastilles qui sont quelquefois assiégé,
de mouvements que je voudrais souligner devant vous.
Pour le premier point j'aurai envie d'intituler celui-ci des bastilles
au pays du libéralisme, ou quand le libéralisme découvre
les charmes du féodalisme. Cela mérite sans doute un mot
d'explication, mais vous allez voir l'idée est extrêmement
simple. Il n'y a pas de véritable propriété intellectuelle
en dehors de situation d'économie libérale, il n'y a pas
de propriété intellectuelle s'il n'y a pas de marché.
Car depuis le XVIIIème nos propriétés intellectuelles
sont l'occasion, le moyen, pour le titulaire d'un droit de se réserver
un marché. A défaut de marché, pas de réservation
qui est de sens, on peut parler de brevet en Chine populaire, c'est
un mot. Cela n'a pas la réalité des propriétés
telle que nous les connaissons dans nos pays. Mais à partir du
moment où le parcours est semé d'embûches et de
péages que reste-t-il du modèle libéral. Or aujourd'hui
les droits se multiplient.
Les droits dits voisins comme le sont les droits des artistes-interprètes,
qui participe à la création, mais sans se voir reconnaître
la qualité d'auteur, sont de plus en plus reconnu à l'échelle
de la planète - 1985 pour la France, du moins si je retiens la
loi, 1992 pour l'Europe communautaire - qui sont autant d'occasion d'interdits
et de paiements, pour qui veut obtenir la levée de l'interdit.
Et ce n'est pas toujours au bénéfice du créateur
car l'artiste-interprète de mon point de vue est un créateur.
Mais on retrouve là aussi l'investisseur. Vont bénéficier
de ces droits, les producteurs de phonogrammes, de vidéogrammes
- c'est le jargon juridique -, les entreprises de communication audiovisuelle,
tous très présent sur le net.
On retrouve encore l'investisseur, avec ce producteur de bases de données,
que j'évoquais tout à l'heure. Cela signifie que ce producteur
pourra s'opposer - là encore j'utilise le mot juridique - à
l'extraction du contenu de sa base. Mais si la base réunit des
oeuvres, cela signifie que celui qui voudra l'exploiter devra obtenir
l'accord de l'auteur de ces oeuvres, l'accord de l'investisseur quant
aux contenus, et peut-être l'accord de celui qui aurait un droit
d'auteur sur la base globalement considérée. S'il y a
des photographes parmi vous, ils comprennent bien ce que je veux dire
quand je parle d'embûches et de péages.
Et quand le législateur ne s'en mêle pas, c'est le juge
qui prend le relais, c'est ainsi que depuis une vingtaine d'année,
on voit sanctionner des pratiques dites de parasitisme, définit
comme l'ensemble des comportements, par lesquels un agent économique
s'immiscent dans le sillage d'un autre afin d'en tirer profit. On verra
pour rester dans les nouvelles technologies, condamner quelqu'un qui
reprend des travaux d'analyse informatique menés par un autre.
Mais cela peut conduire très loin. J''aime souvent citer un arrêt
de la cour de Paris, tout à fait exemplaire à cet égard,
qui dans une affaire où un slogan avait été repris,
dans un premier temps, dit "ce slogan est banal, il n'y a donc pas de
protection aux titres de droits d'auteur, il ne peut pas y avoir contrefaçon",
et dans un second temps condamne, en disant "oui, mais vous avez parasité
la première entreprise". Je crois que l'image est assez parlante.
Ce sont encore les prérogatives qui se multiplient au sein de
droits qui existent par ailleurs. Vous savez que l'auteur doit normalement
tolérer la copie privée, mais il n'est plus tenu de le
faire lorsque l'oeuvre protégée est un logiciel ou une
base de données. Et certains plaident pour la disparition radicale
de l'exception dans l'univers numérique.
Ce sont enfin les revendications qui se multiplient. Témoin
l'âpre débat sur le prêt public qui a défrayé
la chronique ces mois derniers. Mais pour rester dans le simple univers
des nouvelles technologies : une sorte de consensus s'était fait
pour dire que les langages de programmation n'étaient pas protégeables,
car pour programmer, il faut bien passer par un langage. Et il y a des
voix aujourd'hui pour s'élever, faisant observer que s'il y a
une création, il y a peut-être aussi un investissement.
Il y a des voix pour s'élever, pour dire que peut-être,
faudrait-il reconsidérer les choses, et accepter une protection
des langages, avec ce que cela implique évidemment là
encore du point de vue économique, derrière.
Au fond on pourrait dire qu'à la protection par le droit d'auteur
dans l'univers dit réel des circuits de randonnées - vous
ne le savez peut-être pas mais les circuits de randonnée
ont été protégé par le droit d'auteur -
, répond la sollicitation de ce même droit d'auteur, dans
l'univers dit virtuel, de ce droit pour protéger les cheminements
hypertextes. Alors de sentiers en cheminements, je me demande si ce
n'est pas le parcours du combattant qu'il faut évoquer. Et pour
rester dans un registre un peu militaire, puisque je viens d'évoquer
les bastilles, notons qu'à l'occasion ces bastilles sont assiégées.
Le droit d'auteur et ses droits apparentés ne sont pas en effet
tout puissant. L'internet est par définition un lieu fragile
: la copie est facile, le piratage tout autant. Les majors en matière
de musique tiennent là-dessus des discours alarmistes. Il est
vrai que la technique qui fragilise le droit peut venir le renforcer,
par exemple par des procédés de marquage, de tatouage
des oeuvres qui permettront de suivre l'oeuvre à travers son
utilisation. Mais il faut se rendre compte que cela n'est pas sans danger.
Ce sont des mécanismes indiscrets, tout à fait remarquable
pour violer la vie privée. Qui plus est si l'on songe à
d'autres techniques, qui ont pour finalité d'empêcher la
reproduction en ligne, la question peut se poser de savoir si un individu
est en droit de s'opposer à cela, car le législateur a
permis cet accès. Disons les choses plus simplement. Si par exemple,
on admet que la copie privée puisse être faite sans qu'il
y ait de changement de la règle, ai-je le droit comme individu
de revenir sur cette liberté que le législateur a conféré
à tout à chacun.
La critique peut se faire plus radical même. Et le principe du
pouvoir que représentent ces bastilles que j'évoque être
contesté. Y-a-t-il toujours des auteurs, s'interrogent certains,
dans un univers où l'interactivité fait que finalement
chacun construit avec l'oeuvre de l'autre. S'il n'y a pas d'auteur,
doit-il y avoir des droits d'auteur ? Il me semble que c'est un très
beau sujet de causerie, mais enfin pour qui s'intéresse un peu
à la sémiologie, il n'est pas difficile de faire valoir
que tout oeuvre - nous n'avons pas besoin de nouvelles technologies
pour cela - est inlassablement r��crite par ceux qui la reçoivent.
Mais auteur ou non, auteur réinventé peut-être,
y-a-t-il toujours une légitimité à ces monopoles
puisque, c'est bien de cela qu'il s'agit, quand derrière l'oeuvre,
se cache l'information, et peut-être aussi le savoir.
Certains discours à cet égard sont clairs, cohérents,
qui mettent en avant l'idée d'un patrimoine commun de l'humanité
et refuse de voir accaparer les connaissances. S'agissant des questions
que j'évoque, cela renvoie aux bases de données, aux produits
multimédias pédagogiques, aux système experts,
mais cela renvoie aussi, je sors du droit s'auteur un instant pour revenir
aux brevets, à toute la question de la brevetabilité du
génome.
Certaines pratiques sont claires aussi, et coupent court à toute
difficulté, comme celles des promoteurs des logiciels dits libres,
qui ne révoquent pas le droit d'auteur, mais se servent du droit
d'auteur de manière en quelque sorte subversive, pour réaliser
un partage de l'information, et de l'exploitation. Au point que certains
on dit que l'on n'était plus - jouons sur les mots - dans un
registre de copyright, mais de copyleft. Mais le propos et les revendications
ne sont pas toujours exempts d'ambiguïtés : il est tentant
évidemment pour qui ne veut rémunérer ni les auteurs,
ni les autres créateurs, ni les investisseurs concurrents, de
mettre en avant de grand principe de liberté, tout simplement
pour échapper à tout paiement. Il faut considérer
avec prudence à qui profite la construction, car il serait malvenu
de remplacer un dogmatisme par un autre.
En revanche, je dirais au risque tout à fait certain d'être
minoritaire parmi les spécialistes, que je crois que le Tribunal
de Grande Instance de Paris, s'est avancé dans la bonne direction,
quand en Février 1999, il a dit qu'il fallait reconnaître
un droit du public à l'information, susceptible de justifier
la représentation de l'oeuvre d'un artiste, à l'occasion
d'un journal télévisé, tendant à illustrer
de manière appropriée, un reportage sur un évènement
culturel. Certains ont vu là, la pire des choses : il faut quand
même savoir que nos voisins allemands ou plus éloignés,
scandinave, considèrent que c'est un élément du
débat qu'il faut prendre en considération. Et plus l'oeuvre
se rapprochera de l'information, plus il me parait nécessaire
de concevoir, en contrepoint, un droit sur l'information, un droit légitime
aussi à l'information.
Ce qui me conduit au terme de cette conférence
à l'interrogation dont j'avais fait le sous-titre, à la
recherche d'un nouveau paradigme.
A la vérité je crois que nous sommes au moment, où
il faut trouver d'autres références, où certainement
un nouveau paradigme va devoir se substituer aux anciens. L'observation
sur l'information n'est qu'un exemple topique parmi d'autres. Jusqu'à
présent, nos propriétés intellectuelles en général
- les droits d'auteur et droits de cette famille - ont essentiellement
été conçu sur un pouvoir d'interdire, reconnu aux
titulaires des droits, qui peut monnayer les autorisations qu'il juge
bon de donner.
Ajouter à cela les droits d'auteur et les droits des artistes
interprètes, et uniquement cela, dans les systèmes juridique
continentaux, un droit moral qui entre autre chose comme je l'ai dit
tout à l'heure, interdit de porter atteinte à l'oeuvre
ou à l'interprétation. Mais comme nous venons de le voir
ce pouvoir d'interdire peut être mal assuré, quand aux
côtés du grand opéra, figure non seulement le boulon,
le panier à salade qui de longue date ont été protégé
au titre du droit d'auteur, mais aussi le logiciel ou la page web, qui
manifestement sont d'une autre nature. Quand il faut affronter un espace
sans frontière où les points de vue les plus opposés
se rencontre, est-il raisonnable de se crisper sur un dogme, fut-il
vécu comme tout dogme qui se respecte, comme l'expression de
la vérité. Pour moi, il me semble que ce qui importe,
c'est moins le cheminement que le résultat. Il s'agit moins de
se demander comment on doit faire, mais ce que l'on veut faire.
Or ce qui me parait essentiel, c'est d'abord que le créateur,
auteur, artiste-interprète, et là j'élargi les
choses également au inventeur et concepteur de marque, pourquoi
pas, soit reconnu comme tel. Ce qui est assez facile à mettre
en place. D'ailleurs en matière cinématographique, les
génériques vont bien au delà de ce qu'exige le
code de la propriété intellectuelle, l'usage le veut ainsi.
Il faut ensuite que ces créateurs, mais aussi tout ceux qui sont
associés à la création, et donc les investisseurs,
trouvent profit à la création. Cela peut passer par la
reconnaissance de ce pouvoir d'interdire monnayable, dont je parlais
à l'instant. Mais pourquoi ne pourrait-il pas s'agir de formules
de redevance, si l'objet en cause et je songe en particulier à
l'information est jugé devoir être largement disséminé
pour le bien de tous, ou d'autres mécanisme qu'il resterait à
imaginer.
Reste bien sur, s'agissant du droit d'auteur et des artistes interprètes,
le respect du à l'oeuvre. Alors, que les choses soient claires,
j'en suis le premier défenseur. Je préfère, et
de loin, la solution française qui interdit de coloriser un film
contre la volonté du réalisateur, à la solution
américaine qui permet cette colorisation. Que les choses soient
nettes. Simplement je veux quand même rappeler qui si nous pouvons
admirer, les Stanze di Rafael, c'est parce que le Pape Jules II a fait
détruire les peintures de Piero della Francesca ou d'Andrea del
Castagno, que nous ne verrons jamais bien sur. Je veux dire simplement
par là, qu'il faut quand même conserver un peu de mesure,
et qu'il faut que, notre position - puisque les français sont
à la pointe de la défense du droit moral - soit crédible.
Et de ce point de vue je ne vous cache pas : contre le Saint François
d'Assise, le Boulon et le logiciel, j'ai une difficulté à
croire que le droit moral soit un et indivisible.
J'ajouterai pour finir - et revenons alors à une vue d'ensemble
de la propriété intellectuelle, que nous ne sommes certainement
qu'aux prémisses d'une révolution, qui nous obligera,
bon grès mal grès, à revoir nos schémas
de pensée. Il faut avoir conscience que demain nous serons confronté
à la présence d'hologrammes, physiquement - si le terme
peut être utilisé - mêlés à notre univers,
à des ordinateurs quantiques, à des puces moléculaires,
à des oeuvres inscrites dans le vivant... nous ne pourrons pas
en face de cela, continuer à raisonner dans la tranquillité
souvent selon les schémas reçus.
En présence par exemple, d'une puce moléculaire, qui
ne serait pas autre chose qu'un brin d'ADN mais synthétique,
comment imaginer de continuer à raisonner dans nos cadres reçus,
même bricolés, puisque j'ai déjà employé
ce terme. Droit des brevets parce qu'il s'agit de technique, droit d'auteur
parce que cela ressemble à du logiciel, droit des topographies
puisqu'il s'agit de puces, droit du vivant, oeuvre, information, machine,
tout cela n'a pas de sens.
Au moins, l'un des mérites du droit de la création est
qu'il oblige à être créatif, et qu'il aura toujours
puisque c'est avéré depuis le néolithique, de nouvelles
technologies pour bousculer les anciennes nouvelles technologies. Je
vous remercie. (Applaudissements)
Michel Vivant